Cahiers
L’immersion quotidienne dans les forêts de l’Oise durant 30 minutes par jour permet de créer des cahiers dessinés.
Les livrets collectent une série de dessins qui sont tous menés in situ et finit à l’atelier de mémoire.
La retranscription de l’atmosphère, les ressentis sont primordiaux pour constituer cette collection que je mène depuis 2015.
Dans ce temple ; la forêt, je vis une expérience perceptive et sensorielle qui a sa raison d’être dans le présent. Seule en relation avec la nature, je suis arbre. Je m’immerge et je m’approche des souches, ces monolithes sur lesquels mon regard se pose et saisit des petites choses, des nuances qui nourrissent le paysage. Je collecte et cristallise sous la forme de dessins, les accidents, les blessures, les protubérances, les empreintes du temps, les flux et les rhytidomes laissés sur les arbres. Oublier ou conserver, j’essaie de saisir l’instant présent où je suis. Isolée, je me confonds à cette atmosphère, au parfum évocateur de souvenirs épisodiques et ainsi s’ouvre à moi un microcosme. De ma relation à la nature, je tends dans mes oeuvres à révéler, une présence humaine, l’empreinte et son impact.
Tout se déroule non pas dans l’espace de la feuille de papier, mais dans l’espace du dessin lui-même.
De cette temporalité, de ce trouble des matières, de cette érosion qui se dilate et s’approfondit, mes dessins se rapprochent des lois de l’expansion cellulaire. La ténuité de cette métamorphose que produit le temps sur la matière, je la fixe sur le papier, à l’encre de chine, au lavis, à la pierre noire, à la craie lithographique, au brou de noix…dans le geste, la création et l’attente. Je guette le moment où le dessin est encore, même de très peu, inachevé. À chaque étape, je sollicite et je fixe dans l’interaction avec cette nature, des indices de rappel. Je fixe dans une temporalité, des traces du passé, de l’attente et de l’avenir, des liens entre ce qui est à l’extérieur et ce que je perçois, ma sensation. Ces recueils témoignent des vestiges de cette expérience qui sollicite le contexte naturel et l’environnement familier. De cette interaction, je tente de restituer et de créer une narration ; celle de l’expérience de la vie, de la représentation du temps, de l’identité, l’ombre des corps.